Salut à tous et bienvenus aux nouveaux lecteurs,
Je n'ai pas fini de vous bassiner avec mes huldras. J'ai réalisé que j'avais cumulé pas mal de croquis ici et là. Et puisque je suis également en train d'en peindre une nouvelle, je me suis dis que j'allais continuer à papoter un peu sur le sujet.
Gribouillis et recherches sur ces créatures pleines de mystères
Je ré-explique pour ceux qui n'ont pas suivit le précédent article. La huldre (à prononcer "houldra" en roulant le r) est une créature appartenant au folklore norvégien et suédois (Skogsrå en suédois, et là je ne sais pas comment ça se prononce...).
Vivant dans la forêt, la huldra a l'apparence d'une femme d'une grande beauté, dotée d'une queue de vache (ou une queue de renard, dans les contes suédois) et d'un mystérieux dos creux. Lorsqu'elle séduit un homme, elle cache d'abord ces difformités sous ses vêtements, afin de ne pas éveiller de soupçon sur sa véritable nature. Plus tard, il faudra que sa "victime" l'accepte dans son entière apparence afin d'en faire son épouse, sinon la huldra se venge et s'en va. Et si l'homme qu'elle séduit est déjà marié, il subit également de terribles représailles. En fait, le but ultime d'une huldra, est de se marier avec un humain ou d'en avoir un sous son emprise. (Oui, la huldra est diabolisée dans la plupart des contes, vu qu'ils sont majoritairement rédigés sous un point de vu chrétien) Une fois mariée, elle devient une épouse aimante et bienveillante (oho...)
👉 Pour aller plus loin, je vous partage cet article très complet sur la huldra, via le blog du Fratras Folklorique.
👉 Ainsi qu'un autre article sur l'origine des Huldres, sur l'Encyclopédie Fantastique.
Extraits des illustrations de Theodore Kittelsen, gentiment envoyés par une amie du pays.
Dans le drame poétique "Peer Gynt" de Henrik Ibsen, la femme vêtue de vert (ou la femme en vert, selon les traductions) serait une Huldra, fille du roi des Trolls. Courtisée et subjuguée par les mensonges de Peer Gynt après qu'il ai abandonné froidement sa précédente amante, elle l'emmène dans le royaume des montagnes pour le présenter à son père afin qu'il consente à les marier. Peer finit par se désister mais est confronté au fait que la Huldra serait enceinte selon ses dires. L'infortuné voyageur nie les faits, et le roi des Trolls explique qu'il l'aurait engrossée "dans sa tête". Peer prendra la fuite. (oui, Peer Gynt n'a rien d'héroïque. Ce personnage est en fait une grosse blague et un piètre goujat...)
"Peer Gynt, Acte II - Rencontre avec la femme en vert", un petit croquis effectué durant la lecture de la pièce (Illustration réalisée au graphite, crayon de couleurs, encre, aquarelle et photoshop - 2020 © Paontaure)
"In the Hall of the mountain King" (Illustration réalisée au graphite et aquarelle - 2020 © Paontaure)
Concernant le curieux dos creux de la huldra, les rares contes que j'ai réussi à lire ou entendu, laissent plutôt libre cours à son imagination. On constate pas mal d'illustrations représentant les huldras avec un orifice large et vide au creux du dos, au niveau des reins, où peuvent parfois s'échapper quelques branches et autres pousses. J'avais d'ailleurs effectué ce genre de trou dorsal où s'échappait également la mort sur une ancienne peinture :
« La Huldra et la petite mort » représentant une huldra avec son amant, aquarelle réalisée en 2018.
Pour les fois d'après, j'ai pris la liberté de placer ce creux plus haut. Comme j'en avais déjà parlé dans un précédent article, je me suis fortement inspirée du rituel de mise à mort viking, l'aigle de sang : la peau du dos ouverte et déchirée, prenant la forme d'ailes, au niveau des omoplates. J'aime l'idée qu'elles aient un lien avec les fées, même si ici, on se détache pas mal de l'idée qu'on peut se faire de la huldra traditionnelle :
ACEO de diverses huldras, prêts à être adoptés sur ma boutique Etsy
Pour un tout nouvel artwork avec une huldra, j'ai voulu dans un premier temps, reprendre les tons bleutés et l'ambiance cristalin d'une autre aquarelle réalisée plus tôt dans l'année :
Mon petit livret fait-main, regroupant en vrac les nuanciers et les tests d'ambiance de ces dernières années.
J'ai réalisé un test de couleurs sur un mini brouillon que je n'ai finalement pas respecté. A vrai dire, durant la phase de colorisation, je me suis perdue en chemin et j'ai effectué à mes risques et périls, plusieurs tests de lavis différents à même le support, avant de trouver enfin une tonalité qui me convenait. #CommentRisquerDeFoirerBêtementUnArtwork
Mais bon... Au moins, cette fois-ci, j'ai sagement étiré et scotché mon papier avant de commencer l'aquarelle.
J'ai commencé par mettre des couleurs froides avant de me raviser et de réchauffer la scène avec l'aide d'un jaune primaire, d'un vert olive, et de quelques touches (et de tâches) de magenta... Il faut savoir qu'avec cette technique picturale, il faut plutôt éviter de mettre trop de couches de lavis, au risque de perdre le rendu transparent et léger des couleurs, propre à l'aquarelle. De plus, mélanger trop de couleurs aux tonalités différentes, finit par affadir le résultat final. Mais ça va, j'ai pu (fort heureusement) trouver les tons que je cherchais :
Petite confidence : depuis toute petite, j'ai la phobie des chenilles et des papillons. Je reconnais que cette dernière espèce est très esthétique et ça ne me dérange nullement d'en dessiner. Mais de les voir en vrai... Brrrrrrr !
Un jour, on m'a raconté l'histoire d'une huldra qui était parvenue à se marier avec un humain en lui faisant promettre de ne jamais regarder son dos, sans quoi elle s'en irait à jamais. Ne parvenant pas à contenir sa curiosité, l'époux faillit à sa promesse, découvre son dos creux, et perd sa dulcinée... On retrouve ce même thème passionnant d'Eros et Psyché dans un autre conte norvégien très populaire, "A l'Est du Soleil et à l'Ouest de la Lune", où une jeune femme est donnée en épousailles à un prince Ours, qui lui offre confort et tout ce qu'elle désire dans sa luxueuse demeure, mais qui lui interdit de le regarder quand vient la nuit. La jeune mariée ne peut résister à la tentation d'allumer une bougie pour contempler son époux endormi et dans son apparence humaine... Ce conte a notamment inspiré l'extrêmement célèbre la Belle et la bête.
"Mais qu'as-tu donc fait ? Tu as fais notre malheur! Si tu m'avais écouté, à la fin de l'année, j'aurais été sauvé !" (A l'Est du Soleil et à l'Ouest de la Lune)
Qu'advient-il ensuite de la créature ? Je ne me souviens plus si elle s'évapore tout simplement dans la nature, ou si elle se venge en aspirant l'âme de son mari... Toujours est-il qu'une aura de mort entoure souvent la huldra. C'est sûrement pour cette raison que je rajoute systématiquement des carcasses et des crânes dans mes représentations :
" Naken under månelyset
Førte jeg min fot ut i dans
Øyne sorte som av kull
Fulgte mine steg fra skogens rand "
J'ai tendu le pied pour danser.
Les yeux noirs comme du charbon,
J'ai traîné mes pas depuis la lisière de la forêt."
La Huldra abandonnée (graphite, encre de Chine et aquarelle extra-fine) 2020 © Paontaure
A voir également :
👉 Les contes norvégiens de Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe. Les auteurs ont collecté tout un tas de vieux contes folkloriques autour de la Norvège. Il y a notamment un ouvrage centré sur le petit peuple norois, Contes de fée et contes folkloriques de Huldre, malheureusement jamais traduit dans les langues française et anglaise. Mais puisqu'il s'agit d'un classique norvégien, on peut néanmoins le trouver dans sa version originale : Norske huldre-eventyr og folkesagn (mais bon courage pour la traduction...)
👉 Quelques de ces contes sont aussi racontés par Abbi Patrix et Jean-François Vrod, à écouter par ici.
👉 D'autres contes norvégiens, regroupés par ici. (en anglais)
👉 Les œuvres de l'artiste Theodore Kittelsen, qui a beaucoup illustré sur le folklore norvégien, et particulièrement sur les trolls et les huldras.
👉 Les œuvres de l'artiste Ysambre Fauntography qui s'inspirent fréquemment des trolls et des huldras. J'ai notamment eu un gros coup de cœur pour cette photo.
J'espère que cet article aura su alimenter votre curiosité sur les légendes nordiques qui ne cessent de me passionner et de m'inspirer au quotidien. Merci de m'avoir lue,
Amitiés,
Paontaure