Vers le milieu de l'année, l'art block m'est tombée dessus sans prévenir.
Les premiers jours, je ne m'en suis pas alarmée. Il n'y avait rien de méchant au départ. L'envie de souffler arrive à tout le monde, rien d'anormal jusque là.
Mais plusieurs semaines sont passées, avec un sentiment de lassitude grandissant et une motivation en chute libre. Je ne revenais vers l'atelier que pour m'occuper de la boutique Etsy. De la vente et du SAV seulement, mais plus rien côté créatif. Puis presque trois mois se sont écoulés sans que j'effectue un seul gribouillage sur un coin de feuille.
Finallement, j'ai réussi à reprendre les pinceaux vers la fin de l'été. Et il s'en était fallu de peu car quand votre revenu principal dépend de votre activité artistique, et que vous avez des dead-lines à respecter, il devient assez urgent de sortir de cet état de torpeur.
Et si ça peut venir en aide à l'un.e d'entre vous, je vous partage en toute humilité les choses qui ont plus ou moins fonctionné chez moi pour surmonter ce burn-out artistique.
1- Faire une pause. J'ai l'air bête de préciser ce point-là, et pourtant... Assumer officiellement son break, c'est aussi : déculpabiliser et se défaire de la pression constante qu'on peut avoir quand on est en profession libérale ou en AE. Puis ça nous évite ce moment gênant quand on nous posera la fatidique question : "Alors, tu travailles sur quoi en ce moment ?"
Vous faites une pause, et c'est tout. Le reste ne regarde que vous. On a le droit de vouloir prendre un temps de recul. (Et puis, au fond, c'est vous le boss, vous ne devez rien à personne !)
La voie est CLOSE.
2- Trouver une autre activité (ré)créative. En général, quand j'ai un coup de mou artistique, je me réfugie dans un autre domaine créatif. Le but n'est pas d'y exceller, mais de voir un peu autre chose, tout en restant dans le domaine de la création.
Il existe une multitude d'autres hobbies pour décompresser de votre activité principale : l'écriture, le journaling, la sculpture, la couture, la broderie, la musique... Chacun son truc, en fait.
3- Faire une pause avec les réseaux sociaux. Coupez-vous d'Insta et cie pendant quelques jours/semaines, selon vos besoins. La demande pressante de créer toujours du nouveau contenu en échange d'une courte visibilité est exténuante (et destructeur). Et si votre ego et votre activité artistique commence à en pâtir, c'est qu'il est grand temps de faire une pause loin des réseaux sociaux.
Et rassurez-vous, hein, leur stat' sont bidons et ne peuvent en aucun cas évaluer le niveau et la qualité de votre travail.
Vous êtes humain, pas une machine. Personne ne vous en voudra (et dans le cas contraire, ce n'est pas vous le problème).
Pour ma part, sur mes publications Instagram, j'ai souvent la même vingtaine de ❤️ venant de followers habituels. Il peut arriver qu'une publication arrive à percer sans trop savoir pourquoi. Mais ces likes ne donnent qu'une infime sensation de gloire éphémère : ça ne rapporte aucun nouvel abonné, aucune vente, aucun clique sur mon site, aucun engagement.
Mais ça ne me chagrine pas plus que ça. Ce qui me touche, c'est surtout le suivi des habitués (quand je reconnais les pseudos, ça fait vraiment chaud au cœur). Mais ce n'est que mon avis ! Je comprends tout à fait que ça puisse être rageant pour les collègues dont l'activité dépend de cette visibilité...
Bravely ran away, away !
4- Prendre le temps de regarder l'art des autres. Sortir au musée, aller à un marché de créateurs, se balader dans une galerie ou une expo, regarder des artbooks. Cela permet de s'aérer l'esprit, de se divertir en même temps que de s'enrichir. On en apprend toujours beaucoup via les œuvres des autres.
Et par extension, regarder l'art des autres sur internet. Vous pouvez très bien revenir sur les réseaux sociaux après votre break recommandé précédemment, mais sans pour autant publier des choses. Car entre nous, ça fait aussi du bien de redevenir spectatrice et de ne plus être esclave des algorithmes. Quelle libération !
5- Regarder des films sur l'art, des biopics d'artistes. Parmi mes préférés, il y a Loving Vincent ou La passion Van Gogh (dont la BO par Clint Mansell tourne fréquemment dans mon atelier ❤️) et At Eternity's gate (la conversation avec le prêtre_Mads Mikkelsen_ me met toujours une boule à la gorge).
Tout compte fait, je vous partage directement les bandes annonces ici, parce que Vincent, quoi ! ❤️
Mais il y a aussi : Maudie • Séraphine (que je n'ai toujours pas vu) • Frida Khalo • Mr Turner • et bien d'autres encore...
6- Regarder des vidéos Youtube sur l'art ou sur le quotidien d'autres artistes. Binge watcher des vidéos d'autres artistes peut aussi remonter le moral. Pour ma part, ces chaînes m'ont beaucoup fait du bien durant les jours noirs :
- Jane dans la jungle. J'adore particulièrement ses réflexions, ses unboxings et ses reviews vraiment ludiques avec des anecdotes histo' ou techniques glissées dans le tas.
- Marie Boiseau, la base ! Par ailleurs, elle parle aussi d'Art blocks dans certaines vidéos.
- L'univers chaleureux de Caro From Woodland. Bienveillante et sincère quand elle parle de l'envers du métier d'illustratrice.
- Scott M Fisher (en anglais). Sa voix est aussi relaxante que Bob Ross, et ses commentaires très instructifs.
- Cynthia Shepard (en anglais). La DA de Magic the Gathering, un véritable modèle. Je bois ses recommandations et conseils.
- Danica Sill (en anglais). Qui m'a beaucoup appris à gérer les couleurs.
- Les artistes interviewés par Spartan de Digital Painting School. Toujours humbles et encourageant.
Come and see the show
7- Faire une journée shopping. Attention, je ne pousse absolument pas au shopping massif et inutile ! (Rien de pire que de s'encombrer d'un sur-stock de matos inutilisés...) Mais si tout comme moi, vous vous servez des mêmes outils depuis trop longtemps, c'est peut-être le moment de faire du tri dans la trousse, de changer ses accessoires, de tester de nouvelles couleurs, de nouvelles techniques ou une nouvelle marque.
Par ailleurs, le touché d'un pinceau flambant neuf, l'odeur d'un tout nouveau carnet, ou tout simplement, le fait d'aller faire du lèche-vitrine dans les rayons Beaux-Arts vous incitera peut-être à de soudaines idées artistiques, qui sait ?
8- Réorganiser son bureau, son atelier. On dit qu'améliorer l'état et l'ambiance de son lieu de travail ne peut qu'aider à stimuler sa productivité.
Votre atelier n'est peut-être plus aussi séduisant et optimal qu'il ne l'a été au départ. Sans parler du bazar qui s'installe plus rapidement qu'on ne le pense. Quoiqu'il en soit, un brin de ménage ne peut pas faire de mal.
Vieux matos - Dans le studio - Mon fourre-tout d'art (il s'agit tout bêtement d'un organisateur de sac à main, que je trouve très pratique pour ses multiples poches de rangement) - Mes tampons
9- Parler/échanger avec d'autres ami.es artistes. Parler avec des consœurs ou collègues qui comprennent votre quotidien et les difficultés du métier fait un bien fou. Vous n'êtes pas la seule personne à qui ça arrive et c'est très bien d'en parler.
10- Organiser un après-midi atelier créatif avec des ami.es artistes. Parce que c'est revigorant de travailler à plusieurs (et aussi plus amusant !)
11- Lire. Tout, n'importe quoi, ce qui vous chante. Ne dit-on pas que les livres sont des portes vers d'autres mondes ?
Read the signs, read the runes
12- Lire "Art Matters". Ecrit par Neil Gaiman et illustré par Chris Riddell, cette petite pépite est l'un des meilleurs anti-déprime pour artiste/auteur/créatif. Chaque chapitre expose une raison pour laquelle l'art est essentiel et pourquoi il faut continuer à créer. Les messages sont forts et motivants.
C'est un livre à remettre entre toutes les mains (et même dans celles de personnes qui ne sont pas artistes/auteurs).
Art matters
13- Explorer d'autres styles et d'autres médiums. Bousculer sa routine créative peut vous être bénéfique si vous avez l'impression de tourner en rond, d'être bloqué à un niveau, ou si tout simplement, vous ne supportez plus vos propres créations.
Entre nous, il m'est arrivé tout ça à la fois, et encore aujourd'hui le spectre de ces préocupations rôde toujours dans un coin de ma tête.
Par moment, j'ai l'impression de créer du vent, du vide. De faire de l'art inutile et de me sentir microscopique. J'ai d'ailleurs boudé ma boite d'aquarelle cette année. Même si j'ai continué à l'utiliser, je ne le faisais plus que "par défaut" et non par simple plaisir. C'est finalement l'acrylique qui m'a fait un bien fou.
Bref, explorez d'autres techniques, et sortez de cette zone de confort qui s'est transformée en zone d'errence.
14- Squatter la to-draw-list d'autres consœurs/confrères. Je me suis toujours crue à l'abri du blocage artistique parce que j'étais convaincue que mes to-draw-lists étaient inébranlables puisqu'elles étaient longues : "J'ai tellement de sujets à peindre, me disais-je, je ne connaîtrais jamais de creux!"
Et puis soudainement, mes propres listes ne m'ont plus rien inspirée : les mots, les thèmes étaient devenus trop familiers, trop redondants... Il y avait beau en avoir plusieurs centaines, je les connaissais que trop bien. Et rien d'étonnant, au bout du compte, j'explore toujours les même thématiques et pioche dans ces listes depuis plusieurs années déjà.
Si c'est aussi votre cas, faire les prompt-lists des autres collègues pourrait vous faire explorer d'autres sujets et vous apporter de nouvelles idées.
Une de mes to-draw-lists. Ce n'est pas bien organisé, mais vous pouvez avoir un apperçu de mes inspirations et thématiques récurrentes. J'en ai d'autres ciblées Fanart, Halloween, etc...
15- Recommencer à créer... dans un carnet de brouillard. Doucement, sans aucune pression et surtout, à l'abri des regards. Les carnets de brouillards ne sont pas fait pour être montrés, partagés, exposés. Ce ne sont pas des carnets d'études ou de recherches et leur but n'est pas d'avoir un joli contenu. Voyez ça plutôt comme un cahier de défouloir artistique. Bref, faites des râtures, des dessins moches, et surtout, lâchez prise !
16- Soyez patient.e et indulgent.e avec vous-même. Je ne mentira pas en vous disant que l'envie de créer reviendra. Une passion peut s'éteindre soudainement pendant quelques jours, des mois, des années, ou même définitivement. C'est comme ça. Ce n'est pas forcément triste tant que vous le vivez et l'acceptez bien. Le principal, c'est qu'il ne faut pas vous forcer à faire des choses qui ne vous plaisent pas ou que vous ne voulez pas faire.
Mais si vous avez encore cette petite flamme en vous, et que seuls le manque de motivation et la lassitude vous empêchent de continuer, prenez ce temps de retrait et essayez ce genre d'exercices. ☝️
Mourning the past
Quand le blocage est survenu, j'ai essayé de chercher des solutions un peu partout et principalement sur le net. J'étais assez déboussolée... Toutes ces étapes m'ont plus ou moins aidé à m'y remettre.
Je me doute bien que chacun vit sa crise de manière et de densité différentes. Et je ne suis certainement pas la mieux placée pour vous donner des conseils sur le sujet, mais sait-on jamais, peut-être que mes recommandations seront efficaces pour l'un.e d'entre vous qui vit également ce blocage.
En tout cas, n'hésitez pas à partager votre avis ou votre vécu dans les commentaires.
Oh, et concernant les bouts d'illustrations de l'article, voici la feuille des Calembredaines dans son intégralité :
Les Calembredaines (graphite, encre et aquarelle) - 2022 © Paontaure
J'ai pris l'habitude de réaliser ce genre de page depuis quelques temps, et ça m'aide aussi à lâcher prise. L'exercice consiste à entasser des esquisses de choses qui viennent spontanément, sans logique, et sans direction artistique. J'accompagne souvent les dessins de réflexions, de textes un peu WTF et de private jokes... J'aquarellise ensuite sans me prendre la tête à "respecter les lignes", et sans avoir une sélection de couleurs déjà préparée (en vrai, ici, j'ai utilisé les restes de ma palette sale ! Comme quoi...)
Mais c'est un poil irritant car j'ai l'impression que le rendu final est limite plus esthétique que certaines de mes créations plus travaillées...
Enfin bref, sur ce, je vous laisse et je retourne à mes peintures (en ce moment, c'est de l'acrylique !)
Merci de m'avoir lue/vue,
Amitiés,
Paontaure