✨ Bonne année à tous ! ✨
Un peu nostalgique de la période où il y avait toute une grosse hype autour du paganisme celtique et des épopées historiques, je me languis des fêtes médiévales, des jeux vidéos solo Heroic Fantasy, des adaptations sur les vikings ou les celtes (oui, je sais, il y en a un paquet sur les plateformes de Streaming, mais jamais assez pour moi et je n'ai pas tous les abonnements...)
Bref, j'attends avec impatience la sortie du jeu Elden Ring de Hidetaka Miyazaki (grosse fan de ses œuvres) en featuring avec George Martin, la suite de Kaamelott, la préquelle du Seigneur des anneaux, et le film The Northman... De quoi avoir pleins de nouvelles sources d'inspiration.
Les thèmes sur lesquels je vais me pencher cette année vont probablement être autour du Moyen-Age fantastique !
À ce propos, en fin 2021, j'ai dessiné tout un tas de croquis sur le thème Dark Fantasy. J'en ai fait quelques stickers, disponibles sur ma boutique Etsy. Si vous avez loupé le coche, ne vous en faites pas, j'en remets régulièrement en stock chaque fin de mois, et le ferai tout au long de l'année :
Véhémence - Passage dans les douves
Une forteresse pour les dames
J'ai choppé le livre de "La Cité des Dames" de Christine de Pizan, une œuvre allégorique médiévale qui traînait dans ma wishlist depuis un bon moment, et m'y suis plongée sans plus attendre. J'ai aussi ressorti quelques bouquins que je me suis gardée à portée de main durant ma lecture :
Sur la pile : mes artbooks chouchou de la trilogie Dark Souls qui m'inspirent continuellement quand il s'agit d'imaginer un univers médiéval ; puis un vieux livre sur la littérature au Moyen Âge ; "La vie des femme au Moyen Âge" par Sophie Cassagnes-Brouquet qui est une excellente référence ; et "Un château et sa ville au Moyen Âge" superbement illustré par Christian Jégou.
Pour faire court, Christine de Pizan était la première femme de lettre en France et également l'une des premières à critiquer ouvertement la misogynie et la violence masculine dans les œuvres populaires, notamment dans Le Roman de la Rose.
👉 À lire sur ce sujet, cette courte BD très éducative par Ilsabusentgrave.
Dans Le livre de "La Cité des Dames", Christine raconte comment trois déesses sont venues à elle pour lui confier la tâche de bâtir une forteresse pour les femmes afin qu'elles accèdent au savoir, qu'elles y vivent sereinement à l'abri de toute violence et de calomnie. (C'est beau...)
« Ainsi, ma chère enfant, c'est à toi entre toutes les femmes que revient le privilège de faire et de bâtir la Cité des Dames. Et, pour accomplir cette œuvre, tu prendras et puiseras l'eau vive en nous trois, comme en une source claire ; nous te livrerons des matériaux plus durs et plus résistants que n'est le marbre massif avant d'être cimenté. Ainsi, ta Cité sera d'une beauté sans pareille et demeurera éternellement en ce monde. »
(Chapitre IV, La Cité des Dames, Christine de Pizan)
Tout le long du récit, Christine converse avec les envoyées du dieu chrétien : la déesse Raison qui porte le miroir de la connaissance, la déesse Droiture tenant une règle qui mesure le juste et l'injuste, et la déesse Justice qui est représentée avec une coupe.
Si on fait abstraction du lourd aspect puritain de l'ouvrage (c'était l'époque, lisons-le avec le contexte) et l'élitisme pour les femmes exclusivement vertueuses et méritantes (oui, seules les femmes "honorables" peuvent entrer dans la Cité... Cet élitisme également misogyne est due à la religion où Eve était_ et est toujours _ représentée comme l'ennemie et La Vierge l'ultime modèle...), le livre est quand même une belle référence sur les conditions féminines au Moyen Âge et un admirable catalogue de femmes illustres de l'Histoire.
Extrait d'une page de l'ouvrage "La vie des femmes au Moyen-Âge" et de mon Junk Journal.
Les idées fusent et voilà l'occasion de vous montrer un nouveau Process Art incluant un petit step-by-step à l'aquarelle.
Je préviens d'avance que je vais réaliser (encore une fois) une adaptation très libre de l’œuvre. Je ne suis en aucun cas historienne ou illustratrice spécialisée dans la reconstitution histo'. Je pompe seulement les idées qui me plaisent ici et là, et mets à la corbeilles celles que je ne veux pas travailler. C'est l'un des rares luxes de l'artiste.
So... Have a nice cup of tea and enjoy !
La palette : deux couleurs majeures
J'ai une obssession nouvelle pour le mélange du magenta avec le jaune/vert.
Extrait de mon dernier nuancier. Vous pouvez voir quelques pages en plus dans cette courte vidéo.
Pour cet ouvrage, je vais donc mélanger mes deux palettes favorites : "Crimson Sky" et "The Shire". J'avais déjà réalisé ce mix pour les croquis de Kingdom of Sorrow, avec une base Rose de Poterie chez Winsor&Newton. Ça donne une superbe ambiance de couché de soleil :
Forteresse (Miniature à l'aquarelle. La version sticker est disponible dans la collection Kingdom of Sorrow de mon Etsy)
Au départ, j'avais pour idée de ne représenter uniquement la citadelle avec un cadre plein de fioritures. Finalement, j'ai inclus Christine dans l'ouvrage.
Brouillard à gauche, brouillon à droite... En parlant de brouillard, on m'a félicitée à plusieurs reprises pour l'emploi de ce mot, mais en réalité tout le mérite revient au maître Van Gogh qui était le premier à s'en servir pour définir ses esquisses réalisées de façon spontanée. 🙂
La taille du dessin est de 24x32cm. J'ai mis deux jours complets à effectuer le graphite et l'encrage. Et pour ne rien changer des habitudes, j'ai encore modifié des détails sur le dessin final, notamment l'aspect de Christine.
L'apparition des trois déesses m'évoquant un peu l'Annonciation dans la bible, je lui ai donné un petit côté "Marie de Nazareth".
Avant de passer à la colorisation, je prépare mon dessin... Ou du moins, à moitié : si j'étire correctement mon papier à l'eau, je ne le maintiens pas forcément à l'adhésif à chaque fois. C'est parce que j'aime travailler inutilement dans l'angoisse pivoter mon dessin dans tous les sens. (Ne me suivez pas dans ma bêtise, je suis mauvaise élève : si vous faites de l'aquarelle, étirez et maintenez votre papier afin de vous éviter tout risque de gondolages et bavures !)
👉 Petite astuce entre artistes : les rubans adhésifs type "masking tape" sont les meilleurs pour maintenir le papier et ne pas les abîmer lors de leur retrait contrairement aux adhésifs de bricolage. J'en achète quand ils sont en promo, peu importe leur design, leur but ici est purement utilitaire.
Avec un gros pinceau à lavis, je dépose ma première base en deux étapes : d'abord le cadre, puis l'intérieur, tout en inversant l'ordre des couleurs. Pour le cadre, je mets le magenta en bas et le jaune primaire en haut. J'effectue l'inverse pour l'intérieur :
Ça ne rend pas très beau en scan, mais en vrai, j'aime beaucoup le rendu de la simple première base. J'ai souvent envie de m'arrêter à ce stade : c'est léger et met en valeur comme il faut le crayonné du dessin. Mais bon, le but étant d'en faire une peinture... Alors poursuivons !
Christine from the ashes
J'ai imaginé la protagoniste dans une tenue de deuil en référence à ce poignant poème que Christine de Pizan a écrit suite à la perte de son époux qu'elle aimait. Elle en aurait beaucoup bavé après sa mort en raison de sa condition féminine, de son statut de veuve et de soucis financiers. Refusant de se remarier, elle fera de sa plume son métier afin de subvenir au besoin de ses trois enfants, sa mère et sa nièce, mais aussi conserver son rang social.
"Kingdom of Sorrow" (croquis à l'encre et à l'aquarelle extra-fine) 2021 © Paontaure
« Coeur douloureux, qui vit obscurément
Ténébreux corps sur le point de partir
Ai, sans cesser, continuellement
Et si ne puis ni guérir, ni mourir. »
("Deuil angoissant", Christine de Pizan)
Je me suis fortement inspirée de la robe de deuil d'Eowyn dans "Les Deux Tours", mais aussi du costume de la gardienne du feu dans Dark Souls III.
Et les trois dames dans le cadre sont toutes en armure.
Il y a un certain aspect poétique et lugubre dans les cendres. J'en mets assez souvent dans mes illustrations. Ici c'est pour symboliser une certaine renaissance.
Quant aux cheveux, j'ai choisi de les faire bruns, un choix purement aléatoire. Mais même si les cheveux sont de couleurs sombres, j'ajoute toujours une base de lumière. Ici par exemple, je mets une base orangée (un mélange de Ocre Jaune et Rouge foncé chez Schmincke) pour obtenir des reflets cuivrés sur le rendu final :
Dernier zoom assez barbare pour vous montrer le détail.
Les fondations de la citadelle
Pour la citadelle, je me suis directement inspirée de la ville qu'on peut voir en arrière plan sur la peinture "Noyade et guérison de la petite Marote" :
Colorisation de la citadelle dans les tons pourpres et avec un ombrage au Bleu de Prusse, toujours chez Schmincke. Vous pouvez constater que j'ai retiré toute référence au christianisme (hormis la serrure en forme de croix dans le cadre...), remplaçant tout symbole religieux par des étoiles.
La Cité est édifiée à partir de blocs de pierre qui représentent des femmes illustres de l'Antiquité... Bien sûr, c'est juste symbolique, De Pizan n'a jamais décrite la construction des édifices à l'aide de briques issues de vieilles carcasses... Mais mon imagination bouillonne et je n'ai pas pu m'empêcher de mettre des crânes (en plus ça donne un petit côté darkouille) :
J'adore le contraste entre ce vert et ce pourpre. Une alliance de couleurs à ré-expérimenter absolument !
Dans le récit, la cité est construite sur le champ des Lettres. C'est encore une très belle image à développer, mais j'ai préféré ici bâtir la forteresse sur/près d'une forêt avec mes habituelles arbres aux visages humains, parce qu'ils représentent dans mon imaginaire, des esprits anciens et sages.
Les deux dernières aquarelles : "Les murmurants" (graphite, encre et aquarelle extra-fine) réalisées entre 2018 et 2020 © Paontaure
« Vous qui êtes mortes, vous qui vivez encore et vous qui viendrez à l'avenir, réjouissez-vous... »
(Christine De Pizan aux dames de France et d'ailleurs)
Après 4 jours de préparations et de brouillons (si ce n'est plus...), 2 jours de réalisation du dessin, 2 jours de peinture, et environ 4h consacrées à la digitalisation et aux retouches nécessaires sur l'ordinateur, il est maintenant temps de vous montrer le resultat final :
"La Cité des Dames" (graphite, encre et aquarelle extra-fine) 2022 © Paontaure
En m'amusant avec ma toute nouvelle imprimante, j'en ai tiré quelques versions Fine Art Print sur papier texturé qui imite le grain des papiers aquarelles. Je suis vraiment très contente du rendu ultra lumineux des couleurs. Le vert de l'original est ressorti étonnement jaune ocre sur les versions prints et j'aime beaucoup cette variante (une autre combinaison de couleur à développer !) :
Les prints sont disponibles dans mon Etsy. Notez que le stock des Fine Art Prints est très faible (pas plus de 3 tirages à chaque mise-à-jour) car j'en imprime qu'en fonction de la quantité d'encre et de la demande.
J'ai à peine fini d'achever cette illustration que j'ai encore pleins d'idées pour les suivants ! Oui, on va clairement replonger dans les univers médiévaux en tout genre, cette année !
The sins of thy beloved - Lake of Sorrow
Une dernière petite chose avant de nous quitter : j'ai enfin réussi à trouver un lien RSS pour mon blog. (Hurray ! 🎉) Si vous utilisez Netvibe ou autre lecteur de flux, vous pouvez désormais vous abonner à mes articles ! ☺️
Et sinon, j'espère que vous vous portez bien et que votre mois de janvier n'a pas été trop pourri par le retour du virus... En tout cas, je vous souhaite mes meilleurs vœux, beaucoup de jolis rêves (c'est important) mais aussi que vos projets se concrétisent pour cette année à venir. On se répète mais essayons de trouver un peu de positivité dans cette mélasse des deux dernières années.
Amitiés,
Paontaure